Au fond, la principale différence en terme de formation d’une œuvre entre ce qui se pratique dans le collaboratif et le contributif, c’est la possibilité pour chaque participant d’intervenir directement au cœur des contributions des autres.
C’est ce qui rend si délicat la désignation d’un auteur ou de plusieurs auteurs pour un article sur Wikipedia, qui se base sur le nombre de contributions de chaque participant pour déterminer si oui ou non il peut obtenir le statut de co-auteur. Tant qu’on reste dans la sphère du gratuit, qu’importe qu’un troll viennent ajouter/supprimer 50 fois une ligne blanche dans un article ! Cette comptabilité beaucoup plus fastidieuse que celle opérée dans le collaboratif (un auteur par chapitre par exemple) ne serait sans doute pas envisagée sans la technologie wiki. Celle-ci permet de connaître tout l’historique de création d’une page, et donc d’attribuer à chaque contributeur les différentes modifications, ainsi que leur importance dans une moindre mesure.
Cependant, l’historique wiki ne permet pas de rendre visible simplement l’ensemble de l’apport de chaque contributeur à la version définitive d’un texte. Chose qui serait bien utile lorsqu’on effectue le décompte final de la part de chaque auteur au texte. Mais qui permettrait aussi de nouvelles manières de lire.
Ainsi, au Contri club, Desman et moi avons convenu d’une règle de répartition des droits qui nous convient assez bien tous les deux, et qui se base sur le nombre de caractères de chaque contribution. Avec l’historique wiki, il est possible d’identifier quelles sont les modifications apportées au texte d’une version à une autre et par qui. Reste ensuite à additionner ces différentes modifications pour obtenir les sommes de chaque contributeur. Pour l’instant, nous avons expérimenté cette technique pour un texte assez court de 2581 caractères (le projet Lac Saynh), et qui comportait tout de même 28 versions. Le décompte m’a pris moins de 5 minutes. On pourrait donc l’étendre à un texte dix fois plus long, construit de la même manière, avec plus d’auteurs, sans que la tâche soit insurmontable, même si elle s’avère prodigieusement ennuyeuse. D’où l’intérêt pour les auteurs que pourrait avoir un script permettant d’identifier d’un seul coup, par un code couleur (comme dans la fusion de document) ou des règles d’affichage, l’ensemble des contributions d’un auteur !
Le débat lancé par Internet Actu sur les différences entre lecture online et offline révèle que la lecture sur Internet se rapproche du zapping télévisuel. Moins de temps consacré à des contenus longs, recherche plus rapide et plus pointue d’élements significatifs et synthétiques… Par curiosité, j’ai cherché sur la toile s’il existait des scripts assez simples permettant de moduler l’affichage d’un article publié sur le web. Après avoir légèrement modifié une fonction javascript, qui n’était pas du tout prévue pour ça, je suis arrivé à un résultat assez satisfaisant d’outil de modulation de lecture (optimisé pour Firefox). J’ai pris comme exemple de texte celui d’Internet Actu (pour rester dans l’esprit ;-)), et je n’ai pas été jusqu’au bout de l’élagage du style, mais l’idée est là : en fonction du temps que je souhaite accorder à un contenu, avoir la possibilité d’afficher tout ou partie des éléments “contextuels”. Bien sûr, en dehors des balises de type img, h3, et des parenthèses, qui peuvent être identifiés quasiment sans aucune manipulation, c’est un travail particulièrement fastidieux de rajouter des balises permettant d’indiquer que tel passage est une citation, tel autre une digression ou une précision. Conclusion : vivement le web sémantique. Gageons qu’une des futures killer apps du web 3.0 sera celle qui permettra d’obtenir des “résumés” de e-book quasi-instantanément…
Et pour les textes contributifs, alors ? Lire un texte suivant les contributions de ses co-auteurs n’a pas beaucoup d’intérêt si celui-ci n’a pas été conçu en ce sens dès son origine. Que pourrait être une contrainte littéraire qui aurait du sens à ce niveau ? Une des idées évoquées au Contri Club est celle d’une répartition des contributions suivant les focalisations. L’auteur A ne contribue que par des focalisations internes de tel personnage, le B de tel autre, le C que par des focalisations omniscientes, etc. On pourrait ainsi obtenir des textes s’apparentant davantage à du théâtre, ou davantage à du nouveau roman, suivant le type d’affichage choisi… Mais là encore, le sémantique pourrait peut-être remplacer l’humain. A nous d’inventer des créations contributives “insémantiquables” !
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4 commentaires
Cette fois, l’avocat du diable, c’est bibi !
Ce n’est pas “la possibilité pour chaque participant d’intervenir directement au cœur des contributions des autres” qui différencie une oeuvre collaborative d’une oeuvre collective. Dans les deux cas, il est possible de collaborer intimement en mêlant les styles d’écritures.
À mes yeux, la véritable différence provient du fait que l’oeuvre contributive (qui permet aux auteurs de collaborer comme pour un oeuvre collaborative) limite cette collaboration à cause des contraintes de départ.
La collaborative permet de changer de direction comme bon semble aux auteurs. La contributive possède, dès avant la collaboration, un cadre à ne pas dépasser. Ce cadre qui, en art pictural, pourrait être rectangulaire, triangulaire, ondulé, troué, morcelé, en verre, de feu ou même temporel, n’en resterait pas moins un cadre.
C’est pour cela que l’initiateur d’un projet contributif joue un rôle essentiel. Il doit être capable d’offrir un cadre ni trop contraignant, ni trop large.
Pas toujours facile de prévoir jusqu’où pourront aller les contributeurs. Chose que je n’ai pas réussi à faire avec le texte “Didier Marinache et Philiphe Farigure”. Pour moi l’essentiel était que les deux parties de ce texte ne soient pas de tailles trop différentes. Au lieu mettre en avant cette proportionnalité des tailles, j’ai mis en avant le nombre de caractères de chacune des parties.
Alors dans ce cas précis, plusieurs alternatives sont possibles :
- Soit garder les contraintes prévues au risque de devoir contorsionner les contributions pour les satisfaire.
- Soit changer ces contraintes. Et donc renier l’aspect contributif du texte par rupture du contrat de base. Et donc se “contenter” d’un texte collaborative épanouie.
- Soit, comme de bons jésuites, stopper ce projet, formuler un nouveau projet similaire qui proposerait des contraintes plus pertinentes, et y replacer les contributions au projet précédent. D’où un texte contributif épanoui.
Quand la réalité rejoint la fiction… ça ressemble à une situation à la “Didier Marinache et Philiphe Farigure”, tout ça
Est-ce qu’une œuvre collaborative peut ne pas être une œuvre contributive ? Ou l’inverse, est-ce qu’une œuvre contributive peut ne pas être une œuvre collaborative ?
Prenons l’exemple d’un round robin. C’est une œuvre collaborative, avec un cadre bien précis : un chapitre par auteur. Aucun auteur n’intervient sur le chapitre d’un autre.
Donc c’est une œuvre avec des contraintes de départ. Donc une œuvre contributive !
Il me semble donc que les œuvres collaboratives sont inclues dans l’ensemble des œuvres contributives, à partir des éléments suivants (déjà détaillés dans Il était 2.0 fois ;-p) : les conditions initiales quant à l’identité des participants et leurs contributions, ainsi que les échanges possibles entre eux lors de la création.
Dans une œuvre collaborative, les co-auteurs sont tous connus au départ, les contraintes sont fixes, et a priori ils n’interviennent directement que sur leurs propres contributions. Dans une œuvre contributive, les co-auteurs ne sont pas forcément tous connus au départ, les contraintes ne sont pas forcément fixes, et chacun peut ou non intervenir sur les contributions des autres.
A mon sens, les œuvres collaboratives de type round robin sont l’ancêtre des œuvres contributives, ou des œuvres contributives “par anticipation”, comme certains désignent les pré-Oulipiens. Les limitations citées ci-dessus des œuvres collaboratives sont pour moi liées à un contexte technique : avant Internet, comment écrire un roman à plusieurs ? Si chacun peut modifier le chapitre d’un autre, quel bordel pour gérer le projet sous format papier !
Une œuvre contributive est en ce sens une œuvre au cadre plus souple que ce que permet une œuvre collaborative, mais aussi de ce que permet une œuvre collective ou composite !
D’abord un désaccord. Ce n’est pas grave mais c’est important. Il me semble que les œuvres contributives sont inclues dans l’ensemble des œuvres collaboratives.
De mon point de vue, il y a deux aspects pour différencier une oeuvre de collaboration d’une oeuvre contributive.
Dans les deux cas on a :
- L’aspect créatif. Les auteurs s’engagent à respecter des contraintes.
- L’aspect juridique. Les auteurs s’engagent à respecter un accord où est précisé la répartition des droits d’auteur.
L’aspect créatif:
- Pour une oeuvre de collaboration:
Il y a des contraintes avant de commencer. Elles peuvent souvent se résumer en une seule : chacun fait de son mieux pour créer ensemble. Ces contraintes peuvent être améliorées ou simplement changées en cours de route si les auteurs se mettent d’accord.
- Pour une oeuvre contributive :
Les contraintes ne peuvent être changées malgré un accord des auteurs. Voir l’exemple ci-dessus de “Marinache et Farigure”. Parce que si les auteurs changent cet accord de base, ce n’est plus la direction choisie par l’initiateur qui prime. Ce qui prime alors est le confort des auteurs. Ce sont les auteurs qui n’ont pas su ou voulu suivre cette direction. Sans ce respect des contraintes de base, l’aspect contributif tel que je le vois n’y est plus. Et l’on se retrouve avec une oeuvre de collaboration qui n’est pas contributive.
L’aspect juridique :
- Pour une oeuvre de collaboration :
– soit la répartition des droits est seulement proportionnelle au nombre d’auteurs,
– soit un accord est trouvé dans le cas d’une trop grande disparité de contributions. Mais cet accord, à ma connaissance est approximatif. Il doit plus dépendre de la notoriété que des réelles contributions de chacun.
- Pour une oeuvre contributive :
L’accord se veut une une juste rémunération de la création. D’où une recherche d’un mode de calcul au plus près de la création. Évidemment, seule l’expérience permettra d’affiner cette recherche.
Sans cet accord, l’oeuvre n’est pas contributive et reste malgré tout collaborative.
Attention à ne pas confondre les oeuvres contributives créées dans le cadre du Contri Club, où les contributeurs sont tous connus, et les oeuvres contributives que l’on pourrait créer sur Wikimaginaire par exemple…
La finalité du respect des contraintes d’une oeuvre contributive est de pouvoir décider qui, parmi les contributeurs, peut être considéré comme co-auteur lorsque se pose la question de la répartition des droits